Pour permettre une sortie en douceur de la crise sanitaire, un cadre supérieur du ministère de l’Economie et des Finances, par ailleurs pur produit de la formation à la gabonaise, a été nommé à la tête du gouvernement.
On aurait grand tort d’analyser la nomination de Rose Christiane Ossouka Raponda sous un angle politico-politicien. On ferait fausse route en y voyant un choix cosmétique ou une récompense à une militante. © Steeve Jordan / AFP
Même si cette hypothèse était évoquée par la bande, la nouvelle a fait l’effet d’une bombe. Pour la première fois de l’histoire du Gabon, une femme a été nommée Premier ministre. Rose Christiane Ossouka Raponda sera le 6ème chef de gouvernement de l’ère Ali Bongo. Comme la désignation de Raymond Ndong Sima, ce choix rompt avec la tradition établie, suscitant moult interrogations. A-t-elle l’envergure politique pour une telle responsabilité ? A-t-elle le savoir-faire pour relever les défis de l’heure ? Pourra-t-elle remettre en route une machine administrative mise à mal par plusieurs mois de confinement ? Même si l’impétrante a, tour à tour, occupé les fonctions de ministre du Budget, maire de Libreville puis ministre de la Défense nationale, de nombreuses questions subsistent.
Autorité administrative et politique
Depuis plusieurs jours voire semaines, la rumeur faisait état d’un changement à la tête du gouvernement. Prêtant au président de la République l’intention de donner du contenu à la Décennie de la femme, certains médias pariaient sur l’arrivée d’une dame. Pêle-mêle, les noms de Denise Mekam’ne, Madeleine Berre, Angélique Ngoma et Rose Christiane Ossouka Raponda revenaient en boucle. En guise d’explication, les tenants de cette thèse parlaient de la nécessité de «tourner le dos à la politique politicienne» pour ancrer l’action publique dans le «sérieux» et la «modernité.» Disant ne pas vouloir céder à un «effet de mode», leurs contradicteurs leur opposaient les états de service de plusieurs femmes de pouvoir, dénonçant même «une fausse bonne idée.» Pourtant, Ali Bongo a bien penché pour une dame. Faut-il y lire le triomphe de l’approche genre, la victoire de la discrétion ou la reconnaissance d’une certaine efficacité ? Voire…
Aux termes de la Constitution, le Premier ministre est le chef du gouvernement. S’il ne partage plus le pouvoir exécutif avec le président de la République et ne contribue plus à la détermination de la politique de la nation, il conduit à sa mise en œuvre. A la fois chef de l’administration et de la majorité parlementaire, il est tout autant une autorité administrative et politique. Disposant du pouvoir réglementaire, il assure la coordination de l’action publique. Occupant un rôle d’arbitre, il veille aux équilibres, notamment dans l’élaboration et l’exécution du budget. Ancienne ministre du Budget, Rose Christiane Ossouka Raponda sera très attendue sur cet aspect. Saura-t-elle réfréner les ardeurs des ministères «dépensiers» ? Pourra-t-elle mettre en œuvre une politique budgétaire saine et prudente ? Sera-t-elle à même d’initier des réformes porteuses de croissance ?
Faire bouger les lignes
Pour permettre une sortie en douceur de la crise sanitaire, il faut une politique budgétaire de rupture. Tout en améliorant le taux de recouvrement des impôts, il faut contenir le niveau des dépenses courantes. Si les conséquences de la covid-19 suggèrent de fortes demandes sociales, la politique budgétaire doit rompre avec les pratiques du passé. Pour ce faire, une personnalité rompue à la tâche, coutumière des procédures budgétaires, parait indiquée. Est-ce le cas de Rose Christiane Ossouka Raponda ? Au vu de son parcours, on peut le lui concéder. En la désignant, Ali Bongo poursuivait-il cet objectif ? Seul lui le sait. Pour l’heure, le Gabon doit se préparer à l’après-covid. Or, les perspectives ne sont guère rassurantes. Conjuguées à la fermeture des frontières, les mesures de confinement ont profondément désarticulé les circuits d’approvisionnement. Des secteurs comme le petit commerce, la restauration ou les loisirs sont au bord de l’asphyxie. Au total, il faut s’attendre à un ralentissement de la croissance voire à une détérioration des conditions sociales et, pourquoi pas, à une aggravation des vulnérabilités économiques.
Eu égard à ces projections, on aurait grand tort d’analyser la nomination de Rose Christiane Ossouka Raponda sous un angle politico-politicien. On ferait fausse route en y voyant un choix cosmétique ou une récompense à une militante. A maints égards, sa promotion apparaît comme un défi lancé à la technostructure nationale. Elle est non seulement un cadre du ministère de l’Economie et des Finances mais aussi un pur produit de la formation à la gabonaise. Aux Douanes, aux Impôts, au Trésor et même aux Hydrocarbures, elle a des condisciples de classe, des collègues de promotion ou des anciens collaborateurs. A priori, elle est suffisamment introduite pour remettre de l’ordre dans les régies financières. Avec un peu de méthode, elle peut faire bouger les lignes. En la désignant, le président de la République a, pour ainsi dire, fait le choix de la technicité. L’avenir nous dira s’il a vu juste…
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